L’Oeil. Revue d’art mensuelle, julio-agosto, 1986, 372-373, págs. 30-37.
La meilleure approche de l'art roman (XIe-XIIe siècles) est de le voir avec les yeux de l'homme moderne. On peut ainsi mieux comprendre que, si dans les peintures murales et les peintures sur bois l'artiste semble ignorer le paysage, les montagnes et les arbres, ou s'il ne sait pas représenter le volume d'un objet ou la profondeur d'un espace, cela n'est pas dû au primitivisme ou à la naïveté ni à un 'manque de capacité créatrice. L'art roman ne répond pas aux lois de la logique visuelle. Son objet n'est pas de représenter ce que l'homme voit tous les jours, la nature dans laquelle il se trouve plongé, mais plutôt de suivre les exigences de l'époque qui étaient l'éloignement de l'immédiat et de l'individuel pour s'approcher de l'infini, de la perfection de l'idéal de la beauté divine, étrangers aux hasards ou aux particularités de ce monde. Rien de mieux, pour signifier cette volonté de transcendance, que les images théophaniques de la Maiestas Domini qui constituent le motif central de l'iconographie des absides. Le Musée d'Art de Catalogne possède des exemplaires excellents de ces théophanies. Les absides de Saint-Pierre de Burgal, de Ginestarre de Cardés, d'Estaôn, d'Engolasters, les devants d'autel d'Ix, d'Esquius, d'Estet et d'autres, montrent l'image hiératique du Tout-Puissant (le Christ), bénissant de la main droite et tenant le Livre de la Sagesse de l'autre, entouré des symboles des évangélistes (Luc, Marc, Matthieu et Jean). L'image la plus expressive grâce à sa perfection abstraite est celle du Christ de San Clemente de Tahull. On y perçoit de façon éclatante, avec la Destera Domini et l'Agnus Dei, l'aspect surnaturel de la vision apocalyptique […]. ( Joan Sureda, de «Barcelone, capitale de l’art roman»).